
Lettre ouverte au Président de l’Alliance des États du Sahel
Monsieur le Président, ce que je viens vous proposer n’est ni une idée abstraite, ni une vision lointaine, mais une nécessité impérieuse, une réponse à l’un des défis majeurs de notre temps. L’Alliance des États du Sahel est née d’une volonté de rupture, d’un élan de souveraineté, d’une détermination à reprendre en main le destin de peuples trop longtemps abandonnés aux incertitudes du monde. Mais une nation, un continent, ne se bâtissent pas seulement par la force, ils se construisent par l’intelligence, par l’innovation, par l’élévation des esprits et des ambitions. C’est pourquoi, aujourd’hui, alors que l’AES s’affirme sur l’échiquier géopolitique, il est temps de lui donner un levier stratégique supplémentaire : un Centre dédié aux Talents de la Diaspora, une institution pensée non pas comme un simple espace de réflexion, mais comme un laboratoire du renouveau, un creuset de compétences, un accélérateur de puissance.
Monsieur le Président, partout dans le monde, des fils et des filles du Sahel brillent par leur savoir-faire, par leur expertise, par leur génie. Ce sont eux qui dessinent les nouvelles technologies, qui maîtrisent l’énergie, qui soignent, qui innovent, qui construisent l’avenir. Mais où est leur place dans la dynamique de transformation qui s’opère en Afrique de l’Ouest ?
Trop souvent, ils sont loin, souvent ignorés, parfois même méprisés, comme si leur exil devait être définitif, comme si leur réussite ailleurs était une perte et non une opportunité. L’AES a, aujourd’hui, l’occasion d’inverser cette fatalité en tendant la main à cette force vive, en structurant son engagement, en lui offrant un cadre digne de ses ambitions et de ses compétences.
Ce Centre ne sera pas un énième observatoire, ni une bureaucratie de plus, mais une machine de guerre intellectuelle, un outil stratégique au service du développement sahélien. Il mobilisera l’expertise de la diaspora pour nourrir les politiques publiques, il mettra en relation chercheurs, entrepreneurs, investisseurs et décideurs, il permettra d’attirer des capitaux, d’encourager le retour des talents, de faire du savoir un moteur de transformation. Il s’agira de bâtir une plateforme où les intelligences se croisent, où les initiatives prennent forme, où les projets se concrétisent dans des domaines aussi essentiels que la technologie, l’énergie, la défense, la santé, l’agriculture ou encore la finance.
Monsieur le Président, il n’y a pas de souveraineté sans maîtrise du savoir, il n’y a pas de puissance sans une armée de cerveaux capables de penser et de structurer l’avenir. L’Afrique ne doit plus être ce continent que l’on pille et que l’on dépouille, elle doit devenir celle qui attire, qui retient, qui inspire.
L’Alliance des États du Sahel ne se résume pas à une alliance militaire, elle est une dynamique politique, un projet civilisationnel, une volonté de refondation. Elle ne pourra pleinement réussir qu’en intégrant ceux qui, à l’étranger, attendent l’opportunité de se mettre au service de leur terre d’origine. Il faut leur donner les moyens d’agir, il faut les convaincre que l’heure du retour a sonné, il faut leur prouver que l’AES n’est pas qu’un rempart sécuritaire, mais une promesse d’avenir.
Le monde change, les rapports de force évoluent, les équilibres se renversent et l’Afrique n’a plus le luxe de l’attente. La CEDEAO vacille, l’ordre ancien se fissure, et l’AES s’impose comme l’alternative crédible à un système dépassé. Mais elle ne gagnera la bataille du temps long que si elle sait associer à son élan les forces les plus précieuses dont elle dispose.
Il ne suffit pas de revendiquer l’indépendance, il faut la construire par l’intelligence et la structurer par des choix audacieux. L’heure est venue d’inventer un nouvel espace où la diaspora et l’Afrique se retrouvent pour penser ensemble le destin du Sahel et, au-delà, celui du continent tout entier.
Monsieur le Président, ce projet est une pierre de plus à l’édifice que vous êtes en train de bâtir, une clé qui permettra à l’AES de s’inscrire dans la durée, une réponse à l’urgence de l’heure. Vous avez entre vos mains l’occasion de faire ce que tant d’autres ont promis sans jamais réaliser : mettre la compétence au service du progrès, offrir à la jeunesse des raisons d’espérer, faire du savoir une arme de reconquête.
Vous avez su imposer une vision de souveraineté militaire, il est temps d’y adjoindre une souveraineté intellectuelle. Ce Centre Stratégique pour les Talents de la Diaspora n’est pas une option, il est une nécessité.
Dr Nasrallah BELKHAYATE