Pour une Diplomatie médiatique marocaine à la hauteur de la Vision Royale
Recommandations de la Fondation Trophée de l’Africanité

La Fondation Trophée de l’Africanité souhaite, à travers ce rapport, exprimer son estime profonde pour le rôle que jouent les médias marocains dans la consolidation du lien national, la diffusion de l’information publique et la mise en lumière des réformes majeures entreprises par le Royaume. Toutefois, dans un monde en mutation rapide, où l’image d’un pays se construit autant dans ses actes que dans la manière dont ceux-ci sont racontés, il devient impératif de repenser le rôle stratégique des médias marocains à l’échelle mondiale. Il ne s’agit pas d’une simple question de communication, mais bien d’une urgence nationale et diplomatique : les médias doivent aujourd’hui accompagner, soutenir et amplifier la dynamique globale portée par le Royaume du Maroc sous le leadership de Sa Majesté le Roi Mohammed VI. Ce soutien doit être actif, structuré, ambitieux, à la hauteur des transformations profondes que le Royaume impulse sur les scènes africaine, euro-méditerranéenne, arabe et mondiale.
Un premier constat s’impose : l’actualité marocaine est trop souvent traitée sous un angle strictement local, administratif ou institutionnel. Les grands projets portés par le Royaume – qu’il s’agisse de l’Initiative Atlantique pour connecter le Sahel à l’océan, de l’engagement écologique et énergétique, de la diplomatie religieuse à travers l’Institut Mohammed VI des imams africains ou encore de la dynamique du Nouveau Modèle de Développement – sont relatés sans mise en perspective géopolitique.
Pourtant, chacun de ces projets est un jalon dans l’émergence d’une puissance africaine influente, stable et visionnaire. Les médias devraient jouer un rôle de passeurs, de traducteurs, de vulgarisateurs de cette ambition à l’échelle régionale et internationale. Ce travail de narration ne peut être confié uniquement à la diplomatie officielle. Il est de la responsabilité des médias d’anticiper, d’expliquer, d’illustrer, de relier les faits et d’en tirer des analyses. La médiatisation de l’ambition marocaine doit sortir des limites du communiqué de presse et des protocoles. Elle doit pénétrer les imaginaires, convaincre les opinions et forger des alliances d’idées.
Ce manque de projection s’explique aussi par une faiblesse de l’internationalisation des médias marocains. Là où des pays comme le Qatar, la Turquie ou la Chine ont mis en place de puissants réseaux d’influence médiatique, le Maroc n’a pas encore structuré une véritable diplomatie médiatique. Peu de rédactions marocaines disposent de correspondants à l’étranger, encore moins sur le continent africain. Peu de contenus sont traduits ou diffusés régulièrement en anglais, en espagnol ou en langues africaines.
Ce déficit freine la capacité du Maroc à expliquer ses positions, à raconter ses réformes, à diffuser ses valeurs de tolérance, de co-développement et de paix. Les médias marocains doivent prendre conscience de leur responsabilité en matière de rayonnement. Le récit marocain ne doit pas rester cantonné à ses frontières. Il doit voyager, s’adapter, dialoguer avec d’autres récits. Il doit s’adresser à l’opinion publique africaine, européenne, américaine, asiatique, pour faire entendre la voix du Royaume dans un langage moderne, respectueux et affirmé.
Un autre point essentiel est la sous-valorisation, dans les médias marocains, des grandes initiatives royales à l’international. Des projets comme la liaison Atlantique-Sahel, la stratégie africaine du Maroc, la dynamique de l ‘initiative de l ‘Afrique Atlantique, les positions équilibrées du Royaume sur la scène diplomatique, ou encore le leadership religieux et spirituel du Roi en Afrique, sont souvent mentionnés sans mise en scène narrative, sans témoignages, sans récits de terrain.
Il manque une dimension humaine, sensible, inspirante à ces grands mouvements de l’histoire contemporaine marocaine. Les médias gagneraient à investir dans la production de documentaires, de reportages, de portraits, de séries audio-visuelles capables de porter la voix marocaine autrement. Il ne s’agit pas de propagande, mais de fierté nationale racontée avec intelligence et émotion. Dans un monde saturé de contenus numériques, les formats classiques ne suffisent plus. Il faut inventer, créer, surprendre, séduire par le fond autant que par la forme.
Ce déficit narratif est aggravé par l’absence de collaboration stratégique entre les rédactions marocaines et les centres de recherche, les universités, les think tanks ou les diasporas. Pourtant, le Maroc regorge de compétences, d’expertises, de jeunes chercheurs, d’analystes capables d’enrichir la lecture des événements. Le divorce entre les médias et le monde académique est un frein majeur à la qualité de l’information. Il est urgent de créer des ponts, de favoriser des synergies, d’ouvrir les rédactions à de nouveaux profils.
Un média fort est un média qui s’entoure d’intelligence, qui confronte les points de vue, qui valorise les analyses indépendantes. Le lien entre savoir et récit doit être au cœur de la stratégie médiatique marocaine de demain.
Il faut également souligner que certains sujets d’avenir sont sous-représentés dans les grilles éditoriales. L’intelligence artificielle, la transition énergétique, la sécurité alimentaire, la place du Maroc dans les nouvelles chaînes de valeur industrielles, la diplomatie verte, la cryptoéconomie, la souveraineté numérique sont autant de thèmes stratégiques peu explorés. Or, ce sont précisément ces sujets qui définissent l’influence d’un pays dans le monde de demain.
Les médias doivent anticiper ces débats, ouvrir des espaces de réflexion, former leurs équipes à ces enjeux complexes. L’Afrique est un terrain d’avenir, le Maroc en est une locomotive, et les journalistes marocains doivent être formés pour en parler avec profondeur, rigueur et créativité. Le journalisme de demain ne sera ni neutre ni lent. Il sera engagé, structuré, connecté et imaginatif.
Par ailleurs, l’image du Maroc à l’étranger passe aussi par la capacité de ses médias à produire du storytelling puissant. Trop souvent, le ton utilisé reste institutionnel, froid, peu incarné. Il manque une chaleur narrative, une capacité à raconter l’histoire marocaine à travers des parcours de femmes, de jeunes, de travailleurs, de diplomates, de scientifiques, de créateurs. L’humanisation du discours est essentielle.
Le soft power culturel est une arme douce mais efficace pour construire l’image d’un pays. Le cinéma, la musique, la gastronomie, l’artisanat, les traditions spirituelles soufies, l’architecture, les paysages marocains sont autant de matières à récit. Il est regrettable que ces trésors restent confinés à des rubriques marginales. Il faut un média de la beauté marocaine, de la création marocaine, du génie marocain, qui donne envie de connaître, de visiter, d’investir, de comprendre ce pays unique.
Un autre défi réside dans la très faible présence des médias marocains sur les plateformes numériques mondiales. YouTube, Twitter international, LinkedIn, Medium, Spotify ou TikTok sont aujourd’hui les canaux où se façonnent les perceptions globales.
Pourtant, rares sont les médias marocains qui y investissent sérieusement, en plusieurs langues, avec une stratégie claire. Il faut créer des cellules digitales multilingues, capables de produire du contenu viral, documenté, attractif. Le rayonnement d’un pays passe désormais par sa présence numérique.
Ce terrain ne peut plus être ignoré. Il ne suffit pas d’avoir un site Internet, il faut des narrateurs digitaux, des reporters connectés, des créateurs de contenu ancrés dans la vision du Royaume et dans les pratiques du XXIe siècle.
Il convient aussi de souligner un point important : la place de la diaspora marocaine est encore trop marginale dans les médias nationaux. Pourtant, les Marocains du monde sont une richesse immense, une force d’influence, un relais culturel, économique et diplomatique.
Ils portent le Maroc dans les universités, les parlements, les médias étrangers, les entreprises, les organisations internationales. Il serait pertinent de leur dédier une rubrique régulière, voire un média à part entière, afin de raconter leurs parcours, leurs initiatives, leurs liens avec le pays d’origine. La diaspora est un miroir du Maroc à l’étranger. Elle mérite mieux qu’une attention occasionnelle. Elle doit être partie prenante de la stratégie médiatique globale du Royaume.
Enfin, le continent africain doit être au cœur de la stratégie médiatique marocaine. Trop souvent, les actions du Maroc en Afrique subsaharienne sont résumées de manière froide, technocratique, sans regard croisé, sans témoignages africains. Il est fondamental de co-construire des récits avec les journalistes, les intellectuels, les citoyens africains.
La voix marocaine ne doit pas être perçue comme verticale, descendante. Elle doit s’ancrer dans un dialogue, dans une écoute, dans une reconnaissance mutuelle. Pour cela, il faut former des binômes éditoriaux Maroc-Afrique, envoyer des reporters sur le terrain, documenter les résultats, mesurer les impacts, raconter les changements vécus par les populations. C’est ainsi que se tisse une vraie fraternité africaine, fondée sur la connaissance, la reconnaissance et le respect mutuel.
La Fondation Trophée de l’Africanité conclut ce rapport avec une conviction : le Maroc mérite des médias à la hauteur de sa vision, de sa diplomatie et de son ambition. Les journalistes marocains sont capables de relever ce défi, à condition qu’ils soient soutenus, formés, inspirés et intégrés dans une stratégie nationale de rayonnement.
Car nous croyons, plus que jamais, que l’Afrique se racontera elle-même, que le Maroc jouera un rôle moteur dans cette narration, et que les médias marocains seront demain les véritables architectes de cette influence douce, humaine, positive et durable.