À l’heure où le monde cherche à tisser des ponts entre les peuples, il est des pages oubliées de l’Histoire qu’il nous appartient de restaurer dans leur vérité et leur dignité.

Le 10 mai 1869, l’Amérique scellait son unité en inaugurant son premier chemin de fer transcontinental. Cette œuvre monumentale, qui allait changer à jamais le destin des États-Unis, n’aurait jamais vu le jour sans l’immense sacrifice de milliers de travailleurs chinois, venus principalement du Guangdong, et qui représentèrent jusqu’à 90 % de la main-d’œuvre de la Central Pacific Railroad.

En juillet 1865, on estime à environ 4 000 le nombre de travailleurs chinois présents sur les travaux de la société de Central Pacific Railroad. En février 1867, ils étaient environ 8 000 à creuser des tunnels et 3 000 à poser des traverses et des rails, ce qui représentait plus de 90 % de l’ensemble de la main-d’œuvre de la Central Pacific Railroad.

Selon les historiens, au total, entre 10 000 et 15 000 travailleurs chinois ont participé à la construction du premier chemin de fer transcontinental des États-Unis. On estime que ce chiffre devrait en réalité être encore plus élevé.

Affrontant les avalanches, la dynamite, les éboulements et l’injustice salariale, ces bâtisseurs silencieux posèrent les rails du progrès au prix de leur sueur, de leur sang, et trop souvent, de leur vie. Pourtant, le jour de l’achèvement du chemin de fer à Promontory Summit, aucun d’entre eux ne fut convié à la cérémonie officielle. Leur contribution fut effacée des discours et reléguée aux marges de la mémoire collective.

Ironie du destin, le 10 mai est également, aujourd’hui, la Journée mondiale de la mémoire de l’esclavage et de son abolition.
Ainsi, au même jour où l’Amérique célébrait son triomphe industriel, elle tournait le dos à ceux dont l’effort, l’abnégation, et parfois la vie, avaient été le prix caché de cette victoire.

Aujourd’hui, 156 ans plus tard, il est de notre devoir moral de leur rendre justice. À travers eux, c’est un hommage universel que nous rendons à tous les bâtisseurs oubliés de l’Histoire.

C’est pourquoi, en tant qu’homme engagé pour la reconnaissance des peuples et des civilisations, je propose que le 10 mai soit officiellement reconnu comme la Journée du Souvenir des Bâtisseurs Chinois du Chemin de Fer Transcontinental.

Cette commémoration aurait pour vocation :

• De rappeler au monde entier leur courage, leur endurance et leur contribution décisive au développement économique des États-Unis.

• De promouvoir une histoire partagée, où aucun peuple ne soit oublié dans la construction des nations.

• D’ouvrir un espace de dialogue entre la Chine, les États-Unis et le reste du monde sur la mémoire, la justice et la reconnaissance.

Et le 10 mai devient tout naturellement un rendez-vous annuel de la réconciliation, à travers la mémoire de ces bâtisseurs, de l’Histoire avec l’Humanité.

Dr Nasrallah Belkhayate