Femmes – Seynabou Dia : « Osons entreprendre et valoriser nos success stories ! »

Pour Seynabou Dia, présidente de société et impliquée dans le Women In Africa Initiative, les femmes doivent prendre toute leur place dans la nouvelle Afrique.

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Par Seynabou Dia

Daphne Mashile Nkosi a pu devenir la première femme noire à diriger une entreprise dans un secteur aussi difficile et machiste que celui des mines* en Afrique du Sud, c’est que d’autres femmes peuvent, elles aussi, s’imposer par leurs compétences.

Les seules limites qui existent sont celles que l’on s’impose

Plus que jamais, l’Afrique a besoin de valoriser ses success stories. Sur ce continent de toutes les réussites, indépendamment des considérations d’âge ou de catégorie socio-professionnelle, les femmes s’imposent comme de véritables entrepreneures nées. Conditionnées dès la naissance à tout gérer – famille, couple, finance, éducation, activité professionnelle – elles peuvent aujourd’hui faire de cet héritage socio-culturel un atout décisif pour leurs carrières et pour le développement de leurs pays.

Favoriser l’information et les synergies entre femmes

Comme ailleurs dans le monde, la difficulté et les résistances sont inhérentes au quotidien des femmes africaines. Pour les dépasser, nous avons trois défis majeurs à relever : la visibilité, la synergie et le dépassement des frontières. À ces égards, j’ai pu observer au travers de ma propre expérience que l’union fait la force. Plus qu’un simple adage, je suis convaincue que si nous parvenons à mieux nous connaître et pour privilégier les collaborations multiformes, nous multiplierons notre force de frappe et briserons avec éclat ce fameux plafond de verre ! Toutes les femmes africaines doivent pleinement assumer leurs réussites tout autant que leurs échecs en acceptant de les partager pour inspirer d’autres femmes.

Relever des défis multiples

Premier défi de taille : la visibilité. Dans un monde globalisé saturé par l’information, celle-ci ne se décrète pas. Véritable vecteur d’accélération du développement, la visibilité se construit avec patience et cohérence. Associez-la à la formation (sous toutes ses formes) et vous disposez d’un outil puissant au service de la commercialisation de vos services ou de vos produits pour préempter efficacement de nouveaux marchés. Alors, comment construire son marketing personnel ? En identifiant ce qui fait la spécificité de votre offre et en apprenant à le valoriser. Entraînez-vous à vous présenter et à prendre la parole pour mieux vous vendre.

La visibilité des femmes africaines, qu’elles soient « startupeuses » à haut potentiel ou entrepreneurs confirmés – contribue au nécessaire rebranding de l’Afrique, continent de 54 pays encore trop souvent injustement résumé à des stéréotypes et conflits qui ne sont pas toujours le fruit de ses volontés internes. Notre visibilité de femmes africaines ambitieuses nous ouvre aussi la voie d’un développement vertueux pour nos business. Au travers du deuxième défi à relever, celui de la synergie. Des structures et des plateformes mondiales telles que Women in Africa (WIA) Initiative ou encore le Women Investment Club se développent. Elles nous invitent à travailler ensemble, à favoriser les interactions pour partager nos expériences et développer des collaborations gagnantes. En un mot, mutualiser nos actions afin de développer des synergies constructives. Une démarche gagnant-gagnant qui favorise l’entraide (mentoring, échanges et partage de compétences). Avec des femmes du même pays, mais également du monde entier a travers le partage de bonnes pratiques et le travail collaboratif.

 

La couture a souvent été le premier pas pour assurer une certaine autonomie financière. Ici, des femmes dans un centre de couture à Butembo, dans le Nord-Kivu, en RD Congo.  ©  EDUARDO SOTERAS / AFP
La couture a souvent été le premier pas pour assurer une certaine autonomie financière. Ici, des femmes dans un centre de couture à Butembo, dans le Nord-Kivu, en RD Congo. © EDUARDO SOTERAS / AFP

 

 

Ne pas se limiter : only the Sky is the Limit !

Tel est l’ultime défi des femmes africaines d’aujourd’hui et de demain dans un monde dématérialisé : ne plus se limiter aux frontières de son pays mais développer son réseau à l’échelle continentale et internationale. « Think Global Act Local », selon le slogan ! Sortir des confinements « micro » pour conquérir de nouveaux marchés, là où les opportunités se trouvent et où nous pouvons valoriser notre différence. Les femmes qui s’illustrent dans le secteur agricole, le commerce ou l’artisanat doivent avoir l’ambition de dépasser les frontières des marchés locaux.

Des exemples inspirants

Les exemples à suivre sont nombreux. Ainsi, la marque de prêt-à-porter multiculturelle Jutu, développée par Justine Adande, designer de talent d’origine franco-gabono-camerounaise qui a présenté sa nouvelle collection lors de la dernière Fashion Week de Londres. Elle ambitionne de commercialiser ses tenues imprégnées de la tendance Urban chic africaine et 100 % Made In Africa dans les plus grands magasins que comptent les capitales européennes. Ou encore Aida Amar, trentenaire sénégalaise fraichement débarquée à Libreville et qui, après une brillante carrière dans la finance à Londres, a décidé de tout quitter pour retrouver sa passion de toujours : la cuisine. En lançant « Bouchée double », sa société de service traiteur-restauration a déjà atteint plus de 10 000 plats livrés en moins d’un an ! Massogbe Touré, où la reine de l’anacarde ivoirien, dirige brillamment la Société ivoirienne de traitement de l’anacarde (SITA) tout en présidant la commission Développement de l’Entrepreneuriat féminin au sein de la Confédération générale des entreprises de Côte d’Ivoire, où elle milite pour l’autonomisation des femmes en milieu rural et le soutien des producteurs de noix de cajou dans le pays.

Prenons toute notre place !

Bien au-delà de ses innombrables ressources, l’avantage concurrentiel de l’Afrique réside indéniablement dans sa résilience ! Continent riche de ses savoirs, de ses cultures, de ses valeurs. Et surtout de ses talents ! Continent à la démographie la plus jeune au monde, elle devrait en effet doubler sa population, passant d’un milliard d’habitants actuellement à près de 2,4 milliards en 2050, dont la moitié aura moins de 25 ans. Nous assistons à l’émergence d’une nouvelle génération ouverte aux évolutions du monde, de plus en plus décomplexée et de mieux en mieux formée.

Force est de constater que les femmes occupent une part importante dans l’économie africaine en représentent plus de 50 % de la population active dans plusieurs pays africains. Et pourtant, trop rares sont celles qui à compétence égale parviennent à briguer les postes les plus convoités au sein des administrations publiques comme privées. Même si la parité progresse plus rapidement dans certains pays tels que la Tanzanie ou en encore la Gambie. L’intégration et le déploiement des talents féminins stagnent et les disparités de statuts ou de rémunération ont encore beaucoup trop souvent la dent dure comme en témoigne la très faible part (18 %) de femmes active en Algérie par exemple.

Mutualiser nos efforts !

Résilientes, solidaires et très souvent engagées, les femmes africaines prouvent tous les jours qu’elles sont capables de l’impossible. Progressivement, elles imposent avec détermination leur leadership dans tous les domaines ! À compétences égales (voire supérieures !), nous devons apprendre à mutualiser nos forces pour faire bouger les lignes, exercer des fonctions de directions stratégiques et intégrer les boards des grandes entreprises africaines et internationales installées sur le continent. Un objectif déjà concrétisé par certaines d’entre nous, y compris dans les secteurs dits techniques. À l’instar, d’Evelyne Tall, première femme noire à s’imposer – non sans effort – dans les plus hautes sphères de la finance africaine. Sans oublier la talentueuse Haweya Mohamed, d’origine burundaise, Passionnée des technologies et de l’Afrique, qui a cofondé Afrobytes, premier hub digital dédié à la tech africaine en Europe. Elle aspire ainsi à créer un véritable carrefour d’innovation technologique entre l’Afrique et le reste du monde.

* Présidente du cabinet Global Mind Consulting à Libreville et membre de Women In Africa, une organisation initiée par Aude de Thuin autour de femmes leaders africaines.

** Directrice générale de « Kalagadi Manganese ». Fondatrice d’une banque de développement, elle est aussi très engagée dans la défense du droit des femmes dans le monde rural.

Le Point

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