Esprit andalous quand tu nous tiens !
Le lecteur ne peut qu’être émerveillé par l’histoire et les apports scientifiques, philosophiques, artistiques et culturels d’Al Andalus à la civilisation humaine, rappelant les relations étroites entre le Maroc et l’Andalousie pendant huit siècles, en hommage à ce magnifique et mémorable patrimoine de l ‘humanité. Mon propos par cette nouvelle lettre mensuelle est de rappeler ce legs historique d’Al Andalus aux générations actuelles et futures.
C’est lors de mon dernier voyage en Espagne que j ‘ai choisi de renouer avec la quintessence du patrimoine humain, architectural, culturel et spirituel de l’Andalousie. Cette terre liée à l ‘Afrique depuis des siècles et dont je suis tombé amoureux, Cordoba, Cordoue, Séville, Grenade et Madinat Azzahra…
Un hommage à la culture et à la foi andalouse d’un meilleur monde qui a su pendant plus de huit siècles conjuguer culture amazighe, arabe, ibère, romaine, et wisigothe, et réunir dans un même creuset les cultures d’Orient et d’Occident. Une alchimie interculturelle qui respire fort bien des valeurs universelles de paix, de tolérance, du respect d’autrui et de la persévérance personnelle à réussir d’abord son propre parcours professionnel et sociétal.
L’époque d’Al Andalous (du 8ème au 15ème siècle) fut traversée par des personnalités aussi éminentes les unes que les autres ; ‘Ibn Tofaïl, Averroès, Maïmonide, Raymond Lulle ou Ibn Arabi… L’Andalousie fut aussi la terre où la femme fut portée au plus haut du respect, de l’amour courtois et de la poésie soufie. Une époque ou la femme joua un rôle capitale dans la transmission du savoir aux enfants de la nation.
Pour ne citer que Sabiha qui selon certaines sources, était considérée comme la femme la plus puissante de l’histoire politique de l’Andalousie. Elle fut la reine de Cordoue quand cette nation était à l’apogée de sa gloire. Son époux, le calife al-Hakam II, dit-on, était un érudit qui finançait avec sagesse et largesse à la fois les arts et les sciences à telle enseigne que l’Université de Cordoue devint l’institution du savoir la plus renommée au monde, dépassant de la sorte al-Azhar au Caire et la Nizamiyah de Bagdad. Et comme le calife passait la majorité de son temps dans ses livres, Sabiha a donc pris en charge les responsabilités de l’État et excella dans l ‘exercice du pouvoir et des affaires publiques.
Il y a une autre mosquée qui à l ‘époque a eu un impact considérable. La Grande Mosquée-Université, la Qarawiyyine et ses médersas, avec un rayonnement et un impact sur l’Occident musulman que peu de villes peuvent s’enorgueillir d’avoir eu. Sur près de douze siècles, et sous six dynasties successives, Fès s’est forgé en effet une renommée que seule Marrakech lui dispute. Les routes qui reliaient Fès aux principales villes andalouses étaient très fréquentées, surtout du 11 éme au 16 eme siècle. Des hommes, des femmes, des artisans, des juifs, des commerçants et des savants, allaient bâtir une liaison respectable et fort mémorable entre Fès et l’Andalousie.
De nombreuses familles, parmi les plus célèbres aujourd’hui, étaient venues s’installer à Fès. De Tolède, de Cordoue, de Séville et enfin de Grenade, des savants, des philosophes, des historiens, des fuqahā avaient fait le voyage de Fès. Les plus célèbres furent: Ibn al-Khatīb, Ibn Khaldūn, Ibn Marzūq, Ibn al-Ahmar, al-Maqqarī…
L’héritage est encore vivant aujourd’hui plus que jamais à travers des hommes et des femmes rayonnant un peu partout dans le monde et souvent dans l ‘anonymat. Des hommes et des femmes qui donnent l ‘espoir et la force de croire au bonheur spirituel à priori de soi et de la fidélité à leur propre terre natale.
On l’aura compris, cette lettre mensuelle se veut un partage et un rappel de cette sublime richesse culturelle de l ‘humanité aux valeurs si précieuses à la génération de nos futurs leaders africains.
A bientôt,
Nasrallah Belkhayate