Mohammed V ( Paix sur son âme ) : Diplomatie, Sagesse et Africanité

Dans le souffle éternel de l’Afrique, certains noms murmurent encore à nos consciences qu’un roi peut être un père, qu’un diplomate peut être un sage, et qu’un peuple n’est fort que quand il connaît ses racines. Sa Majesté le Roi Mohammed V (paix à son âme) fut ce guide discret et ferme, ce souverain qui transforma l’exil en symbole, l’humiliation en fierté, et la diplomatie en art de préserver l’âme d’un peuple tout en ouvrant ses bras au monde.

On l’a surnommé « le Père de la Nation », mais pour beaucoup, il fut aussi le père de la diplomatie marocaine moderne et l’un des premiers grands bâtisseurs de l’africanité assumée. Sous son règne, le Maroc devint un havre pour la liberté et un pont entre l’Afrique, le monde arabe et l’Occident, sans jamais sacrifier son identité.

Lorsque la France voulut courber son dos en l’exilant à Madagascar, croyant ainsi briser le souffle de l’indépendance, elle ne fit que semer dans le cœur de chaque Marocain une graine d’unité que même la mer et les chaînes ne pouvaient étouffer. Quand il revint en 1955, porté en triomphe par tout un peuple en larmes, ses premiers mots résonnèrent comme une promesse : « Nous rentrons dans notre patrie pour continuer l’œuvre de libération et d’unité ».

Ce retour triomphal fut la première victoire diplomatique silencieuse : sans guerre civile, sans bain de sang généralisé, Mohammed V (paix à son âme) sut faire entendre raison à ses interlocuteurs, convaincre le monde que le Maroc avait grandi et qu’aucune puissance ne pouvait plus l’étouffer. Sa diplomatie, subtile et courageuse, n’a jamais été celle de la soumission ni celle de la provocation : c’était une main tendue sans jamais courber l’échine.

Il comprit très tôt que l’indépendance d’un État ne suffit pas si ses voisins restent sous la coupe de l’oppression. Sa vision de l’africanité était celle d’une grande maison : chaque peuple y a sa place, chaque différence y est un pilier, et chaque combat pour la dignité rejaillit sur tous.

A Rabat, Tanger, Marrakech, ses audiences ressemblaient à des carrefours de résistance : leaders du Maghreb, nationalistes de l’Afrique subsaharienne, émissaires du Proche-Orient, tous trouvaient auprès de Mohammed V (paix à son âme) écoute, conseil et parfois refuge.

On oublie souvent que derrière son regard humble se cachait un fin stratège. Il savait que la force militaire seule ne ferait pas du Maroc un État respecté ; c’est la force morale, la constance dans le dialogue et la capacité à rallier autour de la même table ennemis et frères qui fondaient sa grandeur.

Son africanité n’était pas un simple slogan. Il savait que pour exister face aux grands blocs, l’Afrique devait se regarder dans le miroir de ses traditions. Il répétait à ses ministres : *« L’Afrique est notre profondeur ». Cette phrase est encore aujourd’hui gravée dans la mémoire collective : elle signifie que le Maroc, tourné vers l’Atlantique et la Méditerranée, reste avant tout un arbre dont les racines plongent dans le continent noir.

Pendant les premières années de l’Organisation de l’Unité Africaine, Mohammed V (paix à son âme) se fit le garant d’une voix modérée : ne pas céder aux idéologies importées sans les adapter, ne pas diviser le continent en blocs rivaux, mais construire pas à pas une coopération pragmatique et respectueuse des diversités.

Sa diplomatie était avant tout celle du respect : respect des traditions, respect de la parole donnée, respect du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Beaucoup de leaders africains trouvaient en lui un confident, un médiateur capable d’apaiser des tensions qui menaçaient de se transformer en conflits ouverts.

Pour lui, la grandeur du Maroc ne se mesurait pas à ses frontières tracées par les traités, mais à son influence douce : la parole, la sagesse et l’exemple. Il disait : « Un roi doit savoir écouter plus qu’il ne parle ». C’est cette patience qui fit de lui un négociateur respecté, même par ceux qui, hier encore, l’avaient exilé.

Mais sa vision de l’africanité allait plus loin. Elle portait un projet civilisationnel : réconcilier l’Afrique avec ses racines islamiques, son esprit de tolérance, son art de la coexistence. Sous son règne, le Maroc resta une terre d’accueil pour ceux que la guerre ou la persécution chassaient de leur foyer : Tunisiens, Algériens, Sénégalais, Guinéens ; tous trouvaient ici une main tendue, une mosquée ouverte et une table fraternelle.

Il enseignait par l’exemple que la diplomatie africaine devait s’inspirer de ses valeurs ancestrales : l’hospitalité, la palabre, le consensus. Ces principes, hérités de la tribu et de la zaouïa, Mohammed V (paix à son âme) sut les élever à l’échelle de la diplomatie moderne.

Ses discours restent encore un trésor pour qui veut comprendre l’art de bâtir des ponts sans renoncer à l’essentiel. Dans l’un d’eux, il déclara : « Nous voulons un Maroc fort, mais nous le voulons au service d’une Afrique forte ». Cette phrase est peut-être la plus belle synthèse de sa vision : la puissance n’a de sens que si elle sert à élever les autres.

Il savait aussi que la paix intérieure est la première condition de la crédibilité extérieure. Dès son retour, il s’appliqua à réconcilier tribus, sensibilités politiques, élites urbaines et ruraux. Il invita tous à participer à la grande œuvre de reconstruction nationale. C’est cela aussi, la diplomatie de Mohammed V (paix à son âme) : unir d’abord chez soi, pour pouvoir unir au-delà des frontières.

Les jeunes d’aujourd’hui ignorent parfois combien cet homme, par ses silences et ses rares mots, a façonné la posture du Maroc sur la scène africaine et internationale. Il ne parlait pas pour séduire ; il parlait pour convaincre, pour rassembler, pour rappeler que l’Afrique ne doit jamais renier sa fierté.

Son passage sur terre fut celui d’un roi qui accepta de souffrir pour que son peuple grandisse, d’un diplomate qui savait que l’art de la paix est plus courageux que la tentation de la guerre, et d’un père qui enseigna qu’un pays n’est respecté qu’en respectant les autres.

Aujourd’hui encore, de Rabat à Dakar, de Conakry à Bamako, son nom est prononcé avec gratitude. Les archives diplomatiques africaines portent sa trace : accords signés grâce à son arbitrage, alliances cimentées grâce à son conseil, conflits évités par une parole sage chuchotée dans l’ombre.

Plus qu’un roi, il fut un grand Africain, convaincu que la modernité ne tue pas l’identité, qu’un peuple qui prie, qui cultive sa langue, qui se souvient de ses ancêtres, est plus fort qu’une armée bien équipée.

Si l’on devait résumer sa diplomatie en une phrase, ce serait celle-ci : « Donner à l’Afrique la confiance de se parler à elle-même avant d’écouter les autres ». Par ce principe, il reste le père moral de la diplomatie marocaine, mais aussi l’un des inspirateurs d’une diplomatie africaine digne et autonome.

Aujourd’hui, face aux nouveaux défis – insécurité, endettement, ingérences – l’esprit de Mohammed V (paix à son âme) reste une boussole : construire la paix à l’intérieur, parler d’égal à égal à l’extérieur, garder la porte ouverte au dialogue mais ne jamais vendre son âme.

Que Dieu, dans Sa miséricorde infinie, accorde la paix à son âme, et que chaque enfant du Maroc et de l’Afrique porte un jour un fragment de sa sagesse.

Paix sur son âme.

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