
Le Serment de Tidiane Koïta
Je suis né le 23 janvier 1980, dans la ville de Siguiri, en Guinée. Mes racines, elles, plongent profondément dans le village de Sambayako. C’est là que mon histoire commence. Une enfance simple. Des souvenirs gravés à jamais.
Je me souviens de mes premières années d’école. Chaque fin d’année, les résultats étaient proclamés devant tout le village. Ma mère, fière, m’accompagnait. Quand mon nom résonnait : « Premier de la classe, Tidiane Koïta », tout le monde applaudissait. Mon maître, Monsieur Bandjugu, lançait avec un sourire : « Votre mère a bien travaillé ! » Main dans la main, nous rentrions. Mon père nous attendait, silencieux mais si fier. Ces moments restent vivants en moi.
Ma mère ! Quelle femme ! Forte. Respectée. Invitée partout : mariages, baptêmes, inaugurations de mosquées. Sa présence seule apaisait les cœurs. Un jour, je l’accompagnais comme jeune photographe pour couvrir l’ouverture d’une mosquée dans la province de Siguiri. Sur le chemin du retour, un incident marqua ma vie : un essaim d’abeilles attaqua notre véhicule. La panique. Des cris. Des vies perdues.
Mais moi, j’ai tenu sa main. Guidé par une force que je ne saurais nommer, j’ai trouvé un feu au bord de la route. J’ai pris des feuilles. J’ai fait de la fumée. Et aucune abeille ne nous a touchés. Tous furent piqués, sauf nous. Ce jour-là, j’ai compris qu’une mère bénie vaut plus qu’une armée.
Pendant les vacances, je partageais mon temps entre Sambayako et le village paternel. J’allais chez mon oncle El Azarafan. Je gardais les moutons, je cultivais le maïs. À quinze ans, je marchais 30 kilomètres entre Siguiri et Koflane. Mon père, voyant ma détermination, m’offrit un vélo. Mon premier symbole de liberté.
Mon père n’était pas seulement un cordonnier. Il était un artisan de la paix. À Siguiri, on raconte qu’il a réconcilié plus de mille foyers. Des couples. Des villages entiers. On ajouta « Geri » à son nom : Moriba Koïta Geri. Il avait hérité de cette sagesse de ses ancêtres. Moi, j’ai hérité de son exemple.
À dix-huit ans, j’ai découvert l’orpaillage artisanal. J’ai tiré les cordes. Descendu dans les puits. Creusé la terre. De simple tireur de cordes, je suis devenu creuseur moi-même. Puis le commerce s’est imposé à moi. En 2000, sur la demande de mon grand-père, je pars à Conakry. Il m’installe une petite boutique à Anta, dans la commune de Matoto. Je vends des pièces détachées pour véhicules. Je fais la navette avec le grand marché de Madina. J’achète. Je revends.
En 2002, j’élargis mes horizons. En 2003, premier voyage au Nigeria. En voiture : Conakry, Bamako, Cotonou, Nigeria. J’achète des pièces. Je rouvre une boutique à Madina, après la mort de ma mère. Je n’étais pas seul : Abdoulaye Baldé, Diba Kaba, Adama Kourma, Victor Kamara, mon grand frère. Sans eux, je ne serais pas l’homme que je suis aujourd’hui.
Ensuite, Dubaï. L’or. Un kilo. Deux kilos. Trois kilos. J’exporte. Je vends. Je retourne en Chine. J’achète des motos, des pièces. Je ramène tout à Conakry. Je revends. Je réinvestis dans l’or. Un cercle que j’ai appris à maîtriser.
En 2009, j’exporte de grandes quantités d’or. En 2016, je reçois le trophée du meilleur exportateur d’or de la République de Guinée. Une fierté remise par l’ex-Premier ministre Mohamed Dioula. Un honneur qui m’a poussé plus haut.
Partager est devenu une évidence. Ainsi naît la Fondation Tidiane Koita. Inspiré par ma deuxième fille, je construis une école-orphelinat à Siguiri, en hommage à ma première fille, Fina Goutard. J’achète du riz, du sucre. Je distribue chaque mois de Ramadan. Pas de partenaire, pas de bailleur de fonds : seulement ma volonté et ma foi.
J’ajoute le soutien aux malades. Je prends en charge leurs soins, leurs hospitalisations. Un projet voit le jour : une clinique gratuite à Conakry. Soins, examens, hospitalisations : tout pris en charge. Pour tous. Sans distinction.
Je pense aussi aux femmes. J’achète des machines à coudre pour leurs groupements. Je soutiens les cultures maraîchères. Deux ans plus tôt, j’investis dans l’agriculture.
J’apporte des tracteurs. Je change la méthode de culture du riz. Le riz produit nourrit d’abord la localité avant d’être redistribué ailleurs.
Et puis, la jeunesse. J’ai visité des écoles au Maroc, en Côte d’Ivoire. J’ai voulu le même modèle pour la Guinée.
Une école de métiers pour ceux qui ont interrompu leurs études : 10ᵉ, 12ᵉ année, terminale. Pour ceux qui ont fini et n’ont nulle part où aller. Ils deviennent électriciens, mécaniciens, plombiers, menuisiers, artisans, peintres.
Et demain ? Demain, j’intègre le digital, le e-commerce, le marketing numérique. L’intelligence artificielle. La jeunesse guinéenne doit être prête.
Mon engagement va plus loin. Le 23 octobre 2020, je deviens président de l’Union nationale des orpailleurs de Guinée. Avant, j’étais vice-président. J’ai structuré toute la filière : de la mine à l’export.
J’ai mis en place des bureaux locaux. J’ai organisé la chaîne d’approvisionnement. Unique en Afrique de l’Ouest.
J’ai instauré une protection sociale. Un secrétariat pour l’hygiène et la sécurité des orpailleurs. J’ai lutté contre le travail des enfants. J’ai construit distribué des kits scolaires. Interdit aux femmes enceintes et à celles portant un enfant de descendre dans les puits.
Aujourd’hui, grâce à l’appui de l’État, l’orpaillage artisanal est modernisé. Plus respecté. Mieux encadré.
Je rêve que la Guinée devienne un exemple. Une nation forte. Unie. Solidaire.
Que nos enfants héritent d’un pays où chaque rêve peut fleurir. Hier m’a forgé. Aujourd’hui m’engage. Demain appartient à Dieu. Moi, je fais ma part.