Résumé de la Thése Doctorale Professionnelle : L’Excellence Africaine comme Levier d’Influence

ÉCOLE SUPÉRIEURE DES STRATÈGES – BUSINESS SCHOOL
Doctorate of Business Administration (DBA)


RÉSUMÉ DE LA THÈSE PROFESSIONNELLE

L’Excellence Africaine comme Levier ’Influence

Comment les reconnaissances symboliques peuvent structurer une diplomatie du développement en Afrique


Présentée par :
Nasrallah BELKHAYATE
Président de la Fondation Trophée de l’Africanité

Sous la direction de :
Dr Bertin Léopold KOUAYEP
Professeur – Chercheur en Sciences de Gestion à Paris
Directeur de l’ESCG de Yaoundé
Consultant au Centre International de Formation (CIF) de l’OIT – ONU

Session :
Juin 2023

Lieu :
Paris, France


Résumé

Cette thèse professionnelle s’inscrit dans une démarche de recherche appliquée visant à démontrer que la reconnaissance symbolique – à travers les médailles, trophées et distinctions – peut devenir un levier stratégique de transformation sociale, de mobilisation continentale et de diplomatie douce en Afrique. En partant de l’expérience de la Fondation Trophée de l’Africanité, qui a distingué plus de 300 personnalités à travers le continent et la diaspora, cette étude propose une modélisation rigoureuse de la reconnaissance comme outil structurant.

Après une analyse des théories de la reconnaissance (Honneth, Ricœur, Fraser) et du soft power (Nye, Badie), la thèse dresse un diagnostic des dispositifs existants en Afrique, soulignant leur fragmentation, leur court-termisme et l’absence de suivi institutionnel. Elle met ensuite en lumière l’impact réel des reconnaissances délivrées par la Fondation Trophée de l’Africanité, en termes de légitimation, de visibilité et d’amplification des projets portés par les lauréats.

Le deuxième chapitre approfondit cette analyse en dressant un diagnostic des faiblesses systémiques des dispositifs africains de reconnaissance. Il souligne l’absence de coordination continentale, le manque de rigueur dans les critères d’attribution, et l’inexistence d’un suivi post-récompense. Ce constat nourrit la réflexion vers un modèle plus intégré, capable de lier reconnaissance, accompagnement et stratégie de transformation sociale.

Le troisième chapitre, consacré à l’étude de cas de la Fondation Trophée de l’Africanité, offre une illustration concrète de l’impact de la reconnaissance symbolique. Il met en lumière la méthode de sélection, les profils des lauréats, les transformations générées par la remise du trophée, ainsi que les limites actuelles liées à la gouvernance, au financement et à l’évaluation.

À partir de cette base empirique, un modèle panafricain de reconnaissance est proposé, articulé autour de critères d’identification clairs, d’un processus rigoureux de sélection et de labellisation, d’un système de suivi numérique et d’alliances stratégiques avec les institutions publiques et les réseaux de coopération Sud-Sud.

La thèse conclut par une série de recommandations pour intégrer la reconnaissance symbolique dans les politiques publiques africaines (jeunesse, culture, diplomatie), créer des centres régionaux de valorisation, et instituer une diplomatie de l’excellence africaine portée par les acteurs eux-mêmes.

Ce travail constitue un appel à faire de la reconnaissance une stratégie structurante au service d’une Afrique fière, solidaire et souveraine dans ses valeurs.


CHAPITRE I — Cadres théoriques : reconnaissance, soft power et diplomatie symbolique

1.1 Les théories de la reconnaissance (Honneth, Ricœur, Fraser)

La reconnaissance constitue un socle fondamental pour la construction identitaire, tant au niveau individuel que collectif. Chez Axel Honneth, la reconnaissance se structure en trois sphères essentielles : l’amour, le droit, et la solidarité. L’individu, pour se construire en tant que sujet social, a besoin de se sentir aimé (reconnaissance affective), respecté (reconnaissance juridique) et estimé (reconnaissance sociale). Paul Ricœur, quant à lui, apporte une dimension herméneutique à cette approche, en soulignant l’importance de la réciprocité du regard et du récit. Reconnaître l’autre, c’est aussi se reconnaître soi-même dans le miroir de l’altérité. Nancy Fraser, enfin, intègre la reconnaissance dans une logique de justice sociale, en insistant sur la nécessité de combiner redistribution des ressources et reconnaissance culturelle. Ces trois auteurs permettent de penser la reconnaissance comme un levier de transformation, notamment dans les contextes postcoloniaux comme l’Afrique, où la quête de dignité, de visibilité et d’égalité reste centrale.

1.2 Le soft power comme stratégie d’influence (Nye, Badie)

Joseph Nye introduit le concept de soft power pour désigner la capacité d’un État à influencer les autres par l’attraction plutôt que par la coercition. Le soft power repose sur la culture, les valeurs politiques et la politique étrangère. Dans le cas de l’Afrique, qui n’exerce pas de puissance militaire ou économique dominante, le soft power peut devenir une voie stratégique de présence internationale. Bertrand Badie approfondit cette perspective en introduisant l’idée d’asymétrie des relations internationales, soulignant que le pouvoir n’est plus dans l’imposition, mais dans la capacité à faire reconnaître sa différence comme richesse. L’Afrique, par ses traditions, ses innovations sociales, sa culture vivante, possède un potentiel de soft power sous-exploité. En reconnaissant ses propres acteurs du changement, elle crée les conditions d’une influence symbolique durable sur la scène mondiale.

1.3 La diplomatie symbolique dans les relations internationales

La diplomatie symbolique désigne l’ensemble des gestes, des rites, des objets ou des cérémonies qui ont pour fonction de transmettre un message politique à haute valeur symbolique. Elle peut être incarnée dans une remise de médaille, une visite d’État, un discours commémoratif, ou encore une distinction attribuée à une personnalité étrangère. En Afrique, cette diplomatie joue un rôle de plus en plus visible : elle permet de valoriser les liens historiques, d’affirmer une vision commune ou de renforcer les partenariats stratégiques. Dans un monde multipolaire, elle devient un outil pour les puissances émergentes ou les coalitions d’États qui souhaitent affirmer leur place sans recourir aux instruments classiques de puissance. La reconnaissance honorifique peut ainsi être mobilisée comme vecteur de rapprochement, de légitimation et de coopération durable.

1.4 Distinction, mémoire collective et construction identitaire en Afrique

La distinction honorifique n’est pas un simple ornement cérémoniel. Elle s’inscrit dans une logique de transmission des valeurs, de mémoire collective et de construction identitaire. En Afrique, les héritages coloniaux ont souvent laissé peu de place à l’écriture de récits endogènes de réussite. La reconnaissance des acteurs du changement permet de corriger cette omission, en donnant à voir une Afrique qui réussit, qui innove, qui transforme. Les distinctions deviennent ainsi des éléments constitutifs d’un récit africain du XXIe siècle. Elles servent à forger un imaginaire collectif positif, à inspirer les jeunes générations et à affirmer une souveraineté symbolique face aux modèles importés. Dans cette perspective, la reconnaissance devient un outil de diplomatie interne, mais aussi de rayonnement international.

CHAPITRE II — Diagnostic : l’Afrique face au défi de l’identification et de la valorisation des acteurs du changement

2.1 Cartographie des dispositifs existants (prix, trophées, labels)

L’Afrique regorge d’initiatives de reconnaissance, portées par des institutions publiques, des ONG, des fondations privées ou encore des organisations internationales. Parmi les exemples les plus visibles figurent le Prix Mo Ibrahim pour la gouvernance, les distinctions de l’Union Africaine pour la jeunesse ou la culture, les prix d’excellence de certains chefs d’État, les trophées sectoriels (santé, agriculture, innovation) remis dans divers forums, ou encore les prix décernés par la diaspora. Cette diversité témoigne d’un réel besoin de reconnaissance, mais elle révèle aussi une absence de coordination continentale. En l’absence d’un cadre panafricain harmonisé, chaque initiative évolue en vase clos, sans capitalisation collective.

Par ailleurs, nombre de ces prix manquent de visibilité médiatique, de suivi dans le temps, ou de réelle capacité d’amplification. Très souvent, ils récompensent une performance ponctuelle sans inscrire le lauréat dans une dynamique institutionnelle durable. Cette situation fragilise l’impact des reconnaissances et empêche l’émergence d’un écosystème structuré de valorisation du capital humain africain.

2.2 Limites structurelles : déconnexion, court-termisme, absence de suivi

L’analyse des dispositifs révèle plusieurs faiblesses récurrentes :

  • Déconnexion stratégique : peu de reconnaissances sont liées à des politiques publiques ou à des objectifs de développement durable. Elles apparaissent comme des initiatives isolées.
  • Court-termisme : la remise du prix est souvent perçue comme une fin en soi, sans accompagnement des lauréats, ni mobilisation de moyens pour prolonger leur impact.
  • Manque de rigueur méthodologique : certains prix ne reposent sur aucun référentiel d’évaluation, ou sur des critères opaques, minant la crédibilité du processus.
  • Absence de plateforme continentale : il n’existe pas, à ce jour, de base de données partagée des lauréats africains, ni de réseau structuré de talents distingués au service du continent.

2.3 Besoin d’un modèle panafricain d’impact et de reconnaissance

Face à ces limites, l’Afrique doit se doter d’un modèle structurant et pérenne. Celui-ci devrait reposer sur :

  • Des critères clairs et mesurables, alignés sur les priorités africaines (transformation sociale, autonomisation, innovation, durabilité) ;
  • Un système de sélection rigoureux, associant experts, universitaires, société civile et représentants institutionnels ;
  • Un accompagnement post-reconnaissance, comprenant mentorat, financement, communication et intégration dans un réseau continental ;
  • Une gouvernance éthique, garantissant transparence, équité, et représentativité géographique et sectorielle ;
  • Un outil numérique interconnecté, permettant le suivi longitudinal des lauréats, la documentation des impacts, et le partage de ressources.

CHAPITRE III — Étude de cas : la Fondation Trophée de l’Africanité

3.1 Genèse, mission et positionnement stratégique

La Fondation Trophée de l’Africanité a vu le jour dans un contexte où les initiatives de terrain, les leaders communautaires et les entrepreneurs sociaux africains restaient souvent dans l’ombre, invisibles aux grandes institutions et absents des circuits de reconnaissance continentale. Née d’une volonté de mettre en lumière les figures de l’impact africain, elle s’est donné pour mission de réconcilier l’Afrique avec ses forces vives en les distinguant de manière solennelle, publique et stratégique. Depuis sa création, la Fondation repose sur une conviction forte : la reconnaissance est un acte politique, symbolique et social, capable de transformer une trajectoire individuelle et de mobiliser des dynamiques collectives.

3.2 Méthodologie de sélection et critères de distinction

La Fondation a mis en place un processus de sélection progressif, à la fois ancré dans le terrain et exigeant sur le plan éthique. Elle repose sur un réseau de correspondants dans plusieurs pays, qui identifient des profils atypiques ayant un fort impact local, régional ou continental. Les critères de distinction sont pluriels : pertinence du projet, durabilité de l’action, ancrage communautaire, capacité d’innovation, leadership humaniste, rayonnement africain. Une attention particulière est portée aux femmes, aux jeunes et aux porteurs de projets issus de milieux marginalisés. Cette logique inclusive donne au Trophée une légitimité sociale forte.

3.3 Impact mesuré : témoignages, transformations, synergies

Les retours recueillis auprès des 300 lauréats distingués depuis la création de la Fondation révèlent une série d’impacts tangibles : ouverture de réseaux professionnels, accroissement de la légitimité auprès des bailleurs et des autorités, médiatisation accrue, obtention de financements ou de partenariats, prise de parole dans des instances nationales ou internationales. La reconnaissance agit ici comme un « amplificateur d’utilité sociale ». Plusieurs lauréats ont été recrutés par des institutions internationales, intégrés dans des programmes de leadership, ou sollicités pour transmettre leur expérience. Des coopérations Sud-Sud sont également nées grâce aux mises en réseau de la Fondation, confirmant l’effet catalyseur du Trophée.

3.4 Enjeux de gouvernance et pistes d’amélioration

Malgré son succès, la Fondation fait face à plusieurs défis structurels : assurer la régularité des éditions dans un cadre budgétaire contraint ; professionnaliser davantage les outils de suivi post-reconnaissance ; structurer une base de données continentale des lauréats ; documenter l’impact de manière scientifique ; développer des partenariats pérennes avec les institutions panafricaines. Ces limites, identifiées comme des leviers d’amélioration, constituent le point de départ d’une stratégie plus large : faire de la reconnaissance non seulement un moment fort de célébration, mais un système de transformation sociale et diplomatique durable.

CHAPITRE IV — Modèle opérationnel de diplomatie panafricaine de la reconnaissance

4.1 Vers une gouvernance continentale de la reconnaissance

La première recommandation porte sur l’institutionnalisation de la reconnaissance symbolique à l’échelle continentale. Il est proposé de créer un Conseil Panafricain de la Reconnaissance sous l’égide de l’Union Africaine. Ce conseil aurait pour mission de valider les standards de reconnaissance, d’harmoniser les critères, de soutenir la coordination entre pays membres et de superviser les actions des centres régionaux. Il assurerait aussi la légitimité politique du dispositif et permettrait son intégration dans les grands sommets africains.

4.2 Création de centres régionaux de valorisation

Chaque région (Afrique de l’Ouest, Afrique Centrale, Afrique Australe, Afrique de l’Est, Afrique du Nord) pourrait accueillir un Centre régional de la reconnaissance. Ces centres serviraient à :

  • Recueillir et traiter les candidatures issues du terrain,
  • Organiser les cérémonies régionales et les forums thématiques,
  • Offrir des formations à la reconnaissance, au mentorat, à la communication,
  • Piloter les dispositifs d’accompagnement des lauréats post-reconnaissance,
  • Nourrir la base continentale avec des données qualifiées.

Cette décentralisation assurerait une meilleure inclusion territoriale et renforcerait les coopérations transfrontalières.

4.3 Intégration dans les politiques publiques

Pour que la reconnaissance symbolique devienne un véritable levier d’impact, elle doit être intégrée aux politiques publiques africaines :

  • Dans les politiques éducatives : en liant reconnaissance et orientation professionnelle,
  • Dans les politiques de jeunesse : en récompensant les engagements communautaires,
  • Dans les politiques culturelles : en valorisant les patrimoines vivants et les créateurs,
  • Dans les stratégies diplomatiques : en promouvant les figures de coopération Sud-Sud.

Les ministères concernés pourraient co-construire des programmes avec les fondations, les collectivités locales et les partenaires techniques et financiers.

4.4 Coopérations Sud-Sud et rayonnement global

Le modèle africain de reconnaissance peut inspirer d’autres régions du monde global. Il est proposé de créer un Réseau des Dispositifs de Reconnaissance du Sud Global, permettant :

  • Des échanges de bonnes pratiques avec l’Amérique Latine, l’Asie du Sud-Est, les Caraïbes,
  • Des co-distinctions ou prix conjoints,
  • La participation à des forums internationaux sur la diplomatie symbolique,
  • L’appui aux diasporas dans la mise en œuvre de dispositifs similaires.

À terme, la reconnaissance africaine pourrait devenir un levier de diplomatie culturelle, sociale et économique, renforçant la place du continent dans la gouvernance mondiale.

Ce chapitre clôt ainsi la thèse en ouvrant la voie à une reconnaissance active, institutionnelle, structurée, et connectée aux dynamiques de transformation et d’unité africaines.


CONCLUSION GÉNÉRALE

Cette thèse a voulu démontrer que la reconnaissance symbolique, souvent perçue comme une simple marque d’honneur ou une formalité protocolaire, peut en réalité devenir un véritable outil de transformation sociale et de diplomatie d’influence pour l’Afrique. En s’appuyant sur des fondements théoriques solides, sur un diagnostic rigoureux de l’existant et sur l’expérience concrète de la Fondation Trophée de l’Africanité, ce travail a permis d’esquisser les contours d’une diplomatie panafricaine de la reconnaissance.

Dans un monde où l’influence ne repose plus uniquement sur la puissance économique ou militaire, mais sur la capacité à mobiliser, inspirer et fédérer, la reconnaissance devient un levier stratégique. Elle agit comme un miroir valorisant, un déclencheur de parcours, un catalyseur de coopération. Par elle, l’Afrique peut se réapproprier ses récits, légitimer ses talents, célébrer ses initiatives, et envoyer au monde une image renouvelée de souveraineté, de résilience et de créativité.

Cette thèse propose donc un modèle structuré, reproductible et évolutif, qui articule les niveaux local, national, régional et continental. Elle appelle à la création de centres régionaux, à l’institutionnalisation des critères et à l’élaboration de politiques publiques intégrant pleinement la reconnaissance comme moteur de changement. Elle suggère aussi d’ouvrir la reconnaissance africaine sur le monde, en l’insérant dans une diplomatie Sud-Sud ambitieuse.

En définitive, cette recherche s’inscrit dans une volonté de contribuer à l’édification d’une Afrique qui valorise les siens, qui croit en son excellence, qui affirme ses repères et qui exporte ses modèles. Une Afrique qui ne mendie plus la reconnaissance, mais qui la distribue, la cultive, la structure, et en fait un pilier de son rayonnement global.

Que cette reconnaissance soit une semence de transformation. Qu’elle éclaire les chemins du mérite. Et qu’elle bâtisse, jour après jour, une Afrique debout, souveraine, unie et admirée.

 

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