Vie de Ibn Ajiba

Issu d’une famille chérifienne du nord du Maroc, il se consacre de manière précoce à la quête de la science et montre très tôt des signes de piété. Il mémorise le Coran à treize ans, et entame à ses dix-huit ans une période de douze années d’études dans les principales sciences traditionnelles de l’Islam, sous l’égide des maîtres de son époque : Coran, hadith, fiqh (jurisprudence), Tafsir (interprétation du Coran), théologie, mystique, grammaire, poésie, rhétorique et logique.
Ibn ‘Ajiba devient un savant et professeur réputé de la ville de Tétouan, centre spirituel et intellectuel majeur du Maroc.
Il n’oublie pas cependant que la connaissance livresque n’est rien sans action : « la science n’est qu’un moyen de s’approcher du Savant par excellence », et adopte un cheminement propre aux mystiques : « Il était rare, écrit-il, que je passe une nuit sans veiller en prière. Je partageais la durée de la nuit en trois parties égales : un tiers était réservé au sommeil, un autre à la prière nocturne (tahajjud) et le troisième à la lecture. J’étais accoutumé à la solitude et habitais toujours seul afin de pouvoir m’adonner entièrement à l’étude et à l’adoration ».
Son but : passer de la science exotérique (shari‘a)– science livresque et ne constituant que l’écorce de la religion – à la science ésotérique (haqiqa) laquelle est une science ‘‘goûtée’’, réalisée, quintessentielle.
Dans son Mi‘raj [1], glossaire de la terminologie soufie, Ibn Ajiba explique ainsi ces deux mots :
« La loi [religieuse] (shari‘a) consiste à Le servir ; la voie [spirituelle] (tariqa) à aller vers Lui ; la vérité (haqiqa) à Le contempler. La loi vise donc à épurer les organes externes, la voie à épurer les consciences tandis que la vérité embellit le tréfonds des coeurs ».
Sous l’éducation du cheikh Darqawi il entreprend effort spirituel, épreuves initiatiques, pérégrinations, ascèse et privations jalonnant le parcours du jihad al-nafs pour retrouver la Vérité cachée en lui.
C’est donc de connaissance sûre, par cette science goûtée, qu’il définira ainsi ce qu’est la walaya, la sainteté, dans son Miraj [1] : « la sainteté, c’est lorsque l’intimité [avec Dieu] (aluns) survient après la lutte pénible (al-mukæbada) et que l’on étreint l’esprit (al-rùh) après avoir mené le combat intérieur (al-mujæhada). ».
Sa vie est un exemple vivant de ce qu’est le faqir, ce pauvre spirituel qui tend à l’effacement complet de toute prétention et de toute revendication personnelle face à la Présence divine.
Elle est une illustration de ce subtil mélange d’érudition et de sainteté, caractéristique de l’homme traditionnel : une mémoire prodigieuse doublée d’une rare capacité de raisonnement qui n’étouffent pourtant en rien la faculté fondamentale de « l’œil du cœur » de percevoir les vérités profondes.
Abordant ainsi tous les aspect principaux de sa vie de cheminant vers Dieu il expose sa généalogie et ses ancêtres, son enfance, son apprentissage des sciences, les maîtres après desquels il reçut ces sciences ainsi que ses licences (ijaza), ses ouvrages ( tafsir du Coran [3] , tafsir de poèmes et hizb, tafsir des hikams….), sa rencontre avec ses maitres de la voie spirituelle Moulay ‘Arbi al Darqawi et Sidi Bouzidi, ses prodiges (karamat) et ses épreuves, son passage de l’enseignement de la voie à la fonction de maître.
Ibn Ajiba n’écrit pas sa biographie pour le simple plaisir de faire parler de lui, mais plutôt de « célébrer les bienfaits de Dieu » comme il le dit lui-même.
Jean Louis Michon
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