QUEL EST LE ROLE DES FEMMES AFRICAINES DANS LE DÉVELOPPEMENT ?

L’Afrique est le continent qui enregistre l’un des taux de croissance les plus élevés au monde. Nous entendons parler dans cet article, du rôle de la femme dans le développement économique d’une nation, des nations Africaines ; entend-on par développement l’essor économique ou un ensemble d’états d’esprits, d’attitudes positives, qui permettent l’épanouissement des citoyens d’un pays, ou encore les deux ?

Il serait plus approprié d’inclure dans la notion de développement les dynamiques sociales, culturelles, en lien avec la santé, démographiques, éducationnelles, environnementales et liées à la biodiversité, économiques, enfin, qui entrent dans la définition de l’individu, de la nation.

Quel rôle les femmes Africaines ont-elles à jouer dans ces dynamiques ?

La situation de la femme en Afrique

67% des heures de travail prestées dans le monde le sont par les femmes (NU). Pourtant, la situation des femmes se dégrade souvent davantage que celle des hommes, en valeur relative comme souvent en valeur absolue. Les femmes continuent de gagner moins que les hommes pour le même travail.

Elles sont les premières victimes de l’arrêt prématuré de la scolarité. Sur les 700 millions d’adultes analphabètes vivant sur notre planète, près de deux sur trois sont des femmes. L’une des premières raisons de cette réalité est la persistance du mariage forcé, pour certaines raisons culturelles.

De plus, les femmes sont les premières victimes des violences basées sur le genre (viols, prostitution forcée…). Elles sont plus touchées également que les hommes par la pauvreté depuis une vingtaine d’années (apparition du terme « féminisation de la pauvreté). En parlant de guerres, les femmes sont encore les premières victimes (parce qu’elles sont plus vulnérables et parce que le mariage leur offre une stabilité sociale, économique et que lorsqu’elles sont veuves, elles deviennent socialement et économiquement fragiles).

En matière de santé, deux-tiers des personnes infectées par le VIH en Afrique subsaharienne sont des femmes. Cette situation pourrait laisser croire que la femme ne joue aucun rôle dans le développement du continent Africain ; il n’en est rien.

La femme, acteur clé du développement

-Rôle de procréation et d’éducation

La femme, en dehors de son rôle de reproductrice, joue un grand rôle d’éducatrice. En effet, en Afrique, cette tâche lui est presque toujours dévolue car l’homme est chargé d’effectuer les activités génératrices de revenus. A ce sujet, on dit souvent qu’éduquer un petit garçon, c’est éduquer un individu alors qu’éduquer une petite fille, c’est éduquer une nation. Or, l’éducation est l’ingrédient essentiel de tout développement. C’est l’éducation qui insuffle aux citoyens d’une nation l’état d’esprit à adopter pour générer des attitudes favorisant l’essor de ce dernier. L’éducation dans la cellule familiale complète l’instruction et permet de former les futurs cadres d’un pays : médecins, dirigeants, enseignants, etc.

Un proverbe Africain dit que c’est la famille épanouie et dynamique qui conduit à la ville dynamique et c’est cette ville qui donne naissance à une nation dynamique et épanouie.

-Rôle de production de la femme

-En milieu rural

L’idéologie dominante en Afrique ne conçoit le travail que comme activité rémunérée.

Or, les femmes sont chargées de la corvée d’eau, de celle du bois, qui s’étendent sur de longues distances, sans parler de l’utilisation d’instruments rudimentaires pour effectuer ces travaux. Le rôle de la femme dans la chaîne de production ne s’arrête pas là. L’activité agricole voit également sa participation.

En matière de nutrition et de sécurité alimentaire, le rôle des femmes est essentiel, tout particulièrement en matière de production vivrière (exemples: -Rwanda 1990: 79 % des heures de travail consacrées à la production vivrière sont assurées par les femmes; -Togo: 57% des exploitants agricoles sont des femmes et « 40% des labours, 80% des semis, 70% des sarclages et des récoltes et presque toute la production maraîchère en milieu paysan sont assurés par des femmes ».)

Concernant l’activité commerciale des femmes en zone rurale, elle se déroule autour des produits de la pêche, de l’agriculture, etc.

-En milieu urbain. Les activités de production des femmes sont nombreuses. On peut citer parmi celles-ci :

* L’activité commerciale

Ce rôle est bien souvent cantonné dans l’activité informelle. Nous pouvons citer bien sûr les « Nanas Benz » au Togo, dont l’activité, organisée autour du commerce des pagnes de la marque « Wax hollandais » leur donne une puissance économique reconnue. Elle suscite la mise en œuvre de réseaux par les transactions de demi-gros ou détail, profitables pour une catégorie importante d’acteurs. Ces réseaux, davantage objet des initiatives individuelles que celles des « Nanas Benz », s’insèrent dans un contexte continental où l’activité commerciale est le mode de travail le plus couramment pratiqué par les femmes et engendre une importante masse d’argent. Cependant, force est constater que les petites activités marchandes sont celles qu’on observe le plus souvent chez les femmes Africaines.

*L’activité salariale dans le secteur privé comme public.

Quels sont les freins à la participation de la femme au développement de l’Afrique ?

-Barrières culturelles : difficultés liées au genre (Les hommes évoquent comme raisons à leur opposition au travail de leurs femmes, les risques accrus d’infidélité, la négligence ou l’imperfection des soins et de l’éducation des enfants, l’arrogance vis-à-vis des époux pouvant conduire au mépris, au dénigrement de ce dernier voire au divorce.)

-Difficultés d’accessibilité à la terre

-Fourniture irrégulière des ‘inputs’

-Absence de formation en management (pour celles qui exercent dans le secteur informel)

-Mobilisation très limitée des ressources financières

-Difficultés entre la conciliation du rôle de mère et du rôle de salariée de la femme : l’absence de garderies empêche les femmes d’obtenir un emploi rémunéré.

Comment lutter contre les obstacles à la contribution de la femme au développement ?

Accentuer les activités communautaires

Les obstacles sont progressivement contournés par des improvisations trouvant place dans une forme de gestion dite communautaire et qui se destine à couvrir l’aspect collectif de la production. Le rôle de gestion communautaire de la femme, perçu bien souvent comme une extension de sa fonction domestique, prend en Afrique une dimension contextuelle qui permet de combler les lacunes dans certains secteurs essentiels tels que la santé, l’éducation, l’alphabétisation. Elle se décline sous une multitude d’actions : construction d’école, sensibilisation à la scolarisation des filles, aménagement de cantines scolaires, lutte contre la malnutrition et le VIH, développement de l’artisanat…

– Tontines, vers un financement participatif ?

Il faut noter qu’en Afrique, les banques n’ont pas cherché à s’adapter aux populations. Le rôle de certains modes ‘moins conventionnels’ de mobilisation de ressources financières paraît se renforcer à mesure que celui des banques semble s’étioler. En parlant de réseau autour des activités des femmes permettant de générer des ressources et d’épargner, il y a aussi l’existence des ‘tontines’.

Qu’est ce qu’une tontine et comment transformer ce mode d’épargne en financement participatif? Une tontine c’est un mode d’épargne de façon cyclique, qui sert souvent à l’épargne et au crédit, mais aussi à la protection sociale (une somme est versée à chaque adhérant qui se retrouve en situation de vulnérabilité économique, conséquence d’un évènement social comme le décès du mari), à l’échange culturel et au réseau d’influence. Le principe de la tontine est celui d’un échange circulaire et égalitaire d’un bien ou service entre un groupe de personnes qui partagent le plus souvent les mêmes ambitions. Les tontines ont des modèles d’adhésion permettant à un nombre plus important de femmes d’être membres. Les critères sont beaucoup moins sélectifs que dans les institutions bancaires qui ne permettraient pas à la plupart des membres des tontines d’ouvrir un compte.

Le financement participatif ou ‘crowfunding’ est quant à lui, une technique de financement de projets de création d’entreprise utilisant internet comme canal de mise en relation entre les porteurs de projet et les personnes souhaitant investir dans ces projets. Pratique ancienne, elle fait l’objet actuellement d’un large engouement en raison de sa simplicité de fonctionnement et des difficultés que rencontrent certains créateurs à trouver des financements.

Pourquoi ne réfléchirions nous pas à un financement participatif solidaire qui prendrait en compte ces groupes de tontines ?

  • Le microcrédit : voici un exemple de microcrédit : Lorsqu’une femme souhaite obtenir un microcrédit, elle doit soumettre son projet au comité des femmes du quartier. Ce comité est composé de quatre femmes de confiance qui sont respectées dans le village. Celles-ci étudient les projets, statuent en fonction de leur faisabilité, définissent avec la candidate au microcrédit les modalités de remboursement et gèrent les sorties et les entrées d’argent pour l’ensemble des microcrédits accordés. Les femmes qui ont eu recours au microcrédit doivent rembourser petit à petit la somme empruntée, et l’ensemble des remboursements va servir à financer d’autres projets comme par exemple la construction d’un puits, d’un centre de soins, d’un moulin à mil…
  • L’alphabétisation et l’instruction non discriminatoire, et dans la pratique, pas seulement sur le papier (nous avons souligné l’importance de l’éducation pour le développement) éduquer davantage de femmes.
  • La formation professionnelle pour les femmes qui n’ont pas la possibilité d’atteindre des études supérieures et formation en management pour celles qui exercent des activités lucratives dans le secteur informel.

Une étude récente réalisée dans les pays de l’OCDE montre que les taux de participation des femmes au marché de l’emploi ont une corrélation positive avec le Produit intérieur brut. En d’autres termes, les nations affichant des taux élevés de femmes exerçant une activité professionnelle ont des résultats économiques supérieurs.

  • L’amélioration de la représentativité des femmes dans les instances de prises de décisions à travers le renforcement de leurs capacités afin que les femmes puissent jouer leur rôle dans la gouvernance et la prévention des conflits qui sont un frein au développement.

Conclusion :

Des efforts indéniables ont été accomplis sur le plan de la scolarisation et de l’insertion professionnelle et sociale des femmes mais il faut changer cette vision d’opposition de l’homme et de la femme ;

Les femmes sont des actrices qui ont des besoins spécifiques, différents de ceux des hommes, selon le genre. S’il est indéniable que l’autonomisation des femmes est essentielle pour assurer le développement social et économique ainsi que le développement durable, les femmes ne gagnent pas à être identifiées en opposition constante avec les hommes. La question doit être abordée sous forme de complémentarité dans les programmes et politiques gouvernementales.

Toujours est-il que la participation de la femme Africaine à l’essor du continent passe nécessairement par une gestion communautaire tant pour les activités et la gestion des ressources (associations, ONG, coopératives), que pour la formation en vue de l’exercice d’activités génératrices de revenus ; et ceci, qu’elle soit appuyée par les partenaires institutionnels, les états, ou initiée sur fonds propres des bénéficiaires.

Par Dr Aïcha YATABARY

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