Le discours du président du Ghana Nana Akufo-Addo à Ouagadougou : « Nous devons avoir l’état d’esprit du gagnant »

« J’espère que le commentaire que je m’apprête à faire au sujet de ce problème ne va offenser personne dans cette salle. Nous ne pouvons plus continuer à mener, dans nos pays, dans nos régions, une politique basée sur l’aide des Occidentaux, de l’Europe, de l’Union européenne ou de la France. Cela n’a pas marché, ça ne marche pas et ça ne marchera pas !

Il est de notre responsabilité de trouver des moyens pour développer nos nations par nous-mêmes. Ce n’est pas juste qu’un pays comme le Ghana, 60 ans après son indépendance, continue à définir son budget de l’éducation et de la santé sur la base des financements provenant du contribuable européen.

Au stade où nous en sommes, nous devrions être capables de financer nous-mêmes nos besoins de base. Nous allons considérer les 60 années à venir comme une période de transition où nous pourrons être capables de voler de nos propres ailes. Notre objectif n’est plus de compter sur ce que le contribuable français pourra nous donner. Nous accepterons cependant tout apport que le contribuable français pourra nous apporter à travers son gouvernement. Nous n’allons pas tout simplement tourner le dos à tout apport de l’autre.

Cependant, malgré tout ce qu’il a subi, ce continent reste celui qui détient 30 % de toutes les ressources naturelles les plus importantes du monde. C’est le continent qui a de vastes terres fertiles et la plus grande population jeune, qui constitue une énergie et le dynamisme dont ce continent a besoin.

Regardez ces jeunes qui font preuve d’ingéniosité pour traverser le Sahara et la Méditerranée. Nous avons besoin de cette énergie et de cette ingéniosité sur notre continent. Et cette énergie-là, nous l’aurons ici sur notre continent si nous implantons des systèmes politiques qui montrent à ces jeunes qu’ils sont l’espoir, qu’il y a des opportunités, ici en Afrique.

Les phénomènes de migration ne sont pas nouveaux, c’est aussi vieux que l’humanité, et s’expliquent par le fait que les gens qui quittent leur foyer le font parce que leur pays ne leur donne aucun espoir. Ceux d’entre vous qui connaissent l’histoire de l’Europe au XIXe siècle savent que les grandes vagues d’immigration en Europe partaient de l’Italie et de l’Irlande. Des vagues et des vagues d’Italiens et d’Irlandais ont migré aux États-Unis à la recherche du rêve américain parce qu’il n’y avait pas d’opportunités de travail en Irlande et en Italie. Aujourd’hui, vous n’entendez plus parler de cette immigration-là. Les jeunes Italiens et Irlandais restent chez eux. Nous voulons que les jeunes Africains restent aussi en Afrique. Pour cela, nous devons refuser cet état d’esprit d’assistés. Cet état d’esprit qui consiste à demander ce que la France fera pour nous. La France peut faire ce qu’elle veut de son propre gré et si cela coïncide avec nos intérêts, “tant mieux”, comme on le dit en français.

Mais notre principale responsabilité en tant que leader et en tant que citoyen, c’est de développer nos propres pays, de mettre sur pied des systèmes de gouvernance qui font des leaders des personnes responsables de leurs actes et qui utilisent les moyens mis à leur disposition pour le bien du peuple et non pour leurs propres intérêts. Notre préoccupation devrait consister à nous demander ce que nous devons faire pour éviter que l’Afrique continue à mendier de l’aide et à demander l’aumône dans ce XXIe siècle. Quand vous regardez l’Afrique en prenant en compte ses ressources, c’est l’Afrique qui devrait donner de l’argent à d’autres pays, nous avons des ressources énormes sur ce continent. Nous devons avoir l’état d’esprit du gagnant, nous dire que si les autres ont réussi, alors nous aussi nous pouvons réussir.

Nous nous demanderons chaque fois : comment se fait-il que la Corée, Singapour, la Malaisie, qui ont eu leur indépendance en même temps que nous, soient au sommet du classement des pays les plus riches du monde ? On nous a appris qu’à l’époque des indépendances le revenu au Ghana était supérieur à celui de la Corée. Que s’est-il passé pour que ces pays réussissent cette transition 60 ans après quand nous en sommes encore à quémander.

Sans vouloir offenser le président français, car je suis francophile et je n’ai aucun problème avec la coopération française, mais notre défi majeur, notre part de responsabilité devrait être de créer les conditions nécessaires afin que nos jeunes cessent de braver tous ces dangers pour aller en Europe. Ils n’y vont pas parce qu’ils veulent, mais parce qu’ils ne pensent pas qu’il y a des opportunités dans nos propres pays. Ces conditions, nous pouvons les créer si nous changeons cette mentalité de personnes qui dépendent des autres, cette mentalité d’assistés. Nous devons nous développer nous-mêmes. Convaincre la jeunesse que les opportunités sont ici, chez nous. C’est le manque d’opportunités qui pousse les gens à partir

Et si nous y parvenons, nous verrons que dans une décennie, l’Afrique émergera et on aura une nouvelle génération d’Africains. Et à ce moment-là, les indépendances dont on a parlé deviendront réelles et effectives. J’espère qu’en disant cela, je n’offense personne ou certains de mes amis dans l’assistance. Ceci est ce à quoi je crois fermement. C’est pourquoi mon slogan de mandat est : “Nous voulons construire le Ghana sans recours aux aides. Un Ghana indépendant, un Ghana qui se suffit à lui-même, un Ghana qui vole de ses propres ailes. Monsieur le président, voilà la contribution que je veux apporter. »

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